Newsletter - Imprévision - 1er octobre 2018
Newsletter – 1er octobre 2018
Restriction du champ d’application de la révision pour imprévision dans les sociétés par actions à partir du 1er octobre 2018 – Impact en M&A et private equity
La Loi de ratification de l’Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, parue le 21 avril 2018 au Journal Officiel, entre en vigueur ce lundi 1er octobre 2018. Parmi les changements que cette loi apporte à l’ordonnance, les sociétés devront notamment noter la restriction du champ de la révision judiciaire du contrat pour imprévision.
Le régime antérieur
Avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 10 février 2016, au nom de l’intangibilité du contrat, la Cour de cassation a toujours refusé que le juge puisse revoir les termes d’un contrat au motif de la survenance d’un évènement imprévisible ayant déséquilibré les obligations des parties. La Cour de cassation faisait ainsi prévaloir le principe de la force obligatoire du contrat sur les circonstances conjoncturelles et exceptionnelles bouleversant l’économie du contrat.
La consécration de l’imprévision
Rompant avec cette tradition, la réforme du droit des contrats, inspirée du droit comparé et des projets d’harmonisation européens, est venue consacrer en droit français la révision judiciaire pour imprévision. L’article 1195 nouveau du Code civil permet, à l’occasion d’un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat, rendant son exécution particulièrement onéreuse pour une partie et à condition qu’elle n’en ait pas accepté le risque au moment de la conclusion du contrat, de solliciter la renégociation des termes du contrat. A l’issue de cette renégociation, les parties peuvent se mettre d’accord sur la résolution du contrat ou demander au juge de procéder à son adaptation.
L’impact en matière de M&A et private equity
L’article 1195 nouveau du Code civil était susceptible d’avoir un impact majeur dans les opérations de M&A, notamment pour les sociétés innovantes (biotechs). A titre d’exemple, la clause d’ « earn out » permet aux parties de s’accorder sur un prix lors de la cession, et sur un complément de prix qui sera payé par l’acquéreur après la cession, selon un calendrier défini et si les conditions de son paiement sont satisfaites (e.g., atteinte d’un certain niveau de chiffre d’affaires, obtention de certains résultats ou d’une autorisation de mise sur le marché…). Or, la réalisation de telles conditions peut être soumise à des facteurs externes indépendants de la volonté des parties – e.g., modifications des exigences des autorités de santé préalables à la mise sur le marché d’un médicament, nouvelle législation plus contraignante concernant des essais cliniques.
En ce qui concerne les opérations de private equity, les pactes d’actionnaires contiennent également des engagements comportant des formules de prix, avec une valorisation convenue par avance entre les parties – et dont un changement imprévisible de circonstances peut rendre l’exécution excessivement onéreuse.
Afin d’éviter l’intrusion du juge dans le contrat à de telles occasions, les parties et leurs conseils ont pris soin, en pratique, (i) d’exclure expressément, purement et simplement, le jeu de l’article 1195 du Code civil dans leurs conventions, ou bien (ii) de définir elles-mêmes les conditions, circonstances et modalités de la révision du contrat pour imprévision.
La restriction du champ d’application de l’article 1195 du Code civil à partir du 1er octobre 2018
Néanmoins, et ce depuis le 1er octobre 2018, le champ d’application de l’article 1195 du Code civil a été réduit. Le législateur a finalement souhaité écarter expressément du champ de l’imprévision les obligations qui résultent d’opérations sur les titres et contrats financiers mentionnés aux I à III de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier. Ce sont notamment les opérations portant sur les titres de capital émis par les sociétés par actions – à l’exclusion d’opérations portant sur des parts sociales.
A compter du 1er octobre 2018, les sociétés par actions ne devraient donc plus avoir besoin d’exclure expressément, dans leurs conventions portant sur des obligations de type cession d’actions ou promesses de cession, le mécanisme de l’imprévision – l’article nouveau L. 211-40-1 du Code monétaire et financier les excluant d’office.
Attention, le nouveau texte ne visant que les « titres et contrats financiers », il conviendra, le cas échéant, de continuer à écarter expressément l’article 1195 du Code civil dans les contrats portant sur des opérations de cessions de parts de sociétés à responsabilité limitée, sociétés en nom collectif ou autres sociétés civiles.