DECISION DU 4 OCTOBRE 2023 DU CONSEIL D'ÉTAT CONCERNANT LES CONVENTIONS DE MANAGEMENT FEES

Le Conseil d’État a rendu récemment une décision importante, mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, concernant les conventions dites de management fees (CE, 9ème et 10ème ch., 4 octobre 2023, n° 466887, Sté Collectivision), se prononçant de façon inédite sur le volet impôt sur les sociétés.

Par cette décision, le Conseil d’État juge qu’une société ne commet pas, en soi, un acte anormal de gestion en concluant, avec son dirigeant, une convention de management fees portant sur l’externalisation des fonctions de direction.

« La conclusion par une société́ d’une convention de prestations de services avec une autre société́ pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société́ établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité́, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt » (point n°3 de la décision précitée).

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En l’espèce, l’administration fiscale avait remis en cause la déduction des honoraires versés par une société à une autre société au titre des prestations de management réalisées par un dirigeant commun exerçant respectivement les fonctions de gérant de la société vérifiée (bénéficiaire des prestations) et de co-gérant de la société prestataire.

Le Conseil d’État était ainsi saisi d’une demande d’annulation d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui avait considéré que le versement d’honoraires par la société bénéficiaire à la société prestataire dans le cadre d’une convention de management fees relevait d’une gestion anormale, puisque les prestations effectuées par le gérant de la société bénéficiaire faisant ‘doublon’ avec ses fonctions de dirigeant de la même société. Il s’agissait de la position classiquement adoptée depuis l’arrêt Gamlor (CAA Nancy 9 octobre 2003), jugeant que lorsque les prestations font ‘doublon’ avec celle d’un dirigeant de société (en particulier parce que les prestations ne portent pas réellement sur des fonctions techniques, spécifiques et distinctes de celles normalement inhérentes à celles d’un dirigeant de société), alors le versement d’honoraires doit être considéré comme un acte anomal de gestion.

Le Conseil d’Etat, adoptant une approche nouvelle plus pragmatique et économique, a décidé que la rémunération ‘indirecte’ d’un dirigeant (i.e., via une convention de management fees conclue avec une autre société) ne constitue pas en soi un acte anormal de gestion si les organes sociaux compétents de la société bénéficiaire ont entendu rémunérer indirectement le dirigeant et que ce versement n’est pas dépourvu de contrepartie.

Cependant, la vigilance s’impose s’agissant d’un acte constituant a priori un appauvrissement de la société bénéficiaire des services ; l’anormalité de l’acte est présumée et la société bénéficiaire devra justifier (i) que le mode de rémunération indirect est conforme à son intérêt (ne constitue pas un acte anormal de gestion) et (ii) que la rémunération indirecte versée à son dirigeant n’est pas excessive au regard des missions de gestion effectivement assurées (réalité des services rendus et justification des montants). 

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 Cette décision du Conseil d’État clarifie la possibilité de déduire de l’impôt sur les sociétés les sommes versées au titre de la convention de management fees, si elles ne sont pas excessives. Mais des interrogations demeurent sur la déductibilité de la TVA grevant les honoraires. De plus, lorsque le dirigeant personne physique est commun à la société bénéficiaire et à la société prestataire, le risque que l’URSSAF considère la convention de management fees comme une rémunération directe déguisée, visant à contourner le paiement des cotisations sociales, existe toujours semble-t-il.

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